Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/496

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de leur valeur, et ne s’en plaignent point ; vous qui vous plaignez des vostres, seriez bien empesché de les monstrer, si Amour comme vostre general, pour vous donner digne salaire, demandoit de les voir. – Cruelle nymphe, dit le chevalier, vous vous trompez, car je luy dirois seulement : O Amour ! oste ce bandeau, et regarde les yeux de mon ennemie. Car il n’auroit pas si tost ouvert les yeux qu’il ressentiroit les mesmes playes que je prote au cœur, non point comme vous dites en me plaignant, mais tant s’en faut en faisant ma gloire d’avoir un si digne autheur de ma blesseure. Par ainsi jugez qui si Amour vouloit entrer en raison avec moy, je luy aurois plustost satisfait qu’à vous, car il ressentiroit les mesmes coups, ce que vous ne pouvez, d’autant qu’un feu ne se peut brusler soy-mesme. Si ne devez-vous pas, encor qu’insensible à vos beautez, l’estre à nos larmes, ny estre marrie, où les armes du merite ne peuvent resister, si celles de la pitié pour les moins rebouchent le tranchant de vos rigueurs, à fin que de mesme qu’on vous adore comme belle, on vous puisse louer comme humaine.

Leonide aimoit ce chevalier, et toutesfois ne vouloit pas qu’il le sceut encores ; mais aussi elle craignoit qu’en luy ostant l’espoir entierement, elle ne luy fist perdre le courage. Cela fust cause qu’elle luy respondit : Si vostre amitié est telle, le temps m’en donnera plus de cognoissance que ces paroles trop bien dictes pour proceder d’affection ; car à ce que j’ay ouy dire, l’Affection ne peut estre sans passion, et la passion ne peut permettre à l’esprit un si libre discours. Mais quand le temps m’en aura autant dit que vous, vous devez croire que je ne suis ny de pierre, ny si mescognoissante que vos merites ne me soient cogneus, et que vostre amitié ne m’esmeuve ; jusques alors n’esperez