il au don, et l’appreuva par les services que depuis il luy rendoit et qu’elle n’eut point desagreables, à ce qu’elle monstroit par ses actions. Mais quand Polemas entreprit de la servir, Agis qui comme avaricieux avoit tousjours les yeux sur son thresor, prit garde à l’amour naissante de ce nouvel amant, et quelquefois s’en plagnoit à elle. Mais la froideur de ses reponses, au lieu d’estreindre ses jalousies, seulement amortissoit peu à peu ses amours ; car, considerant combien il y avoit peu a’asseurance en son ame, il tascha de prendre une meilleure resolution qu’il n’avoit pas fait par le passé, et ainsi, pour ne voir un autre triompher de luy, il esleut plustot de s’eloigner. Recepte, à ce que j’ay ouy dire, la meilleure qu’une ame atteinte de ce mal puisse avoir pour s’en delivrer. Car tout ainsi que le commencement de l’amour est produit par les yeux, il me semble que celuy de son cintraire le doive estre par le deffaut de la veue, qui ne peut estre en rien tant qu’en l’absence, où l’oubly mesme couvre de ses cendres les trop vives representations de chose aimée.
Et de ce faict Agis parvint heureusement à son dessein, car à peine estoit-il entierement party, que l’amour partit aussi de son ame, y logeant en sa place de mepris de ceste volage. Si bien que Leonide en ce nouveau dessein d’acquerir Polemas, perdit celuy qui des-ja estoit entierement à elle.
Mais les brouilleries d’Amour ne s’arrestans pas là (car il voulut que Polemas ressentist aussi de son costé ce qu’il faisoit endurer à la nymphe), presque en ce mesme temps l’Affection de Lidamor prit naissance, et il advint que, tout ainsi que Leonide avoit desdaigné Agis pour Polemas, et Polemas Leonide pour Galathée, de mesme Galathée desdaigna Polemas pour Lindamor. De dire les folies que l’un et l’autre ont faites, il seroit trop mal aisé.