Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/505

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que toutes choses doivent se contenir dans les termes où la nature les a mises, et que comme il n’y a pas apparence qu’un rubis, pour beau et parfait qu’il soit, puisse devenir un diamant, celuy aussi qui espere de s’eslever plus haut, ou pour mieux dire de changer de nature, et se rendre autre chose que ce qu’il estoit, perd en vain et le temps et la peine.

Alors le druide estonné des considerations de ce berger, et bien aise de le voir tant eslongné des desseins de Galathée, reprit la parole de ceste sorte : Or, mon enfant, je loue les dieux de ce que je trouve en vous tant de sagesse, et vous asseure que tant que vous vous conduirez ainsi, vous donnerez occasion au Ciel de vous continuer toute sorte de felicité. Plusieurs emportez de leur vanité sont sortis d’eux-mesmes sur des esperances encores plus vaines que celles que je vous ay proposées, mais que leur en est-il advenu ? Rien, sinon apres une longue et incroyable peine, un tres grand repentir de s’y estre si long temps abusez. Vous devez remercier le Ciel qui vous a donné ceste cognoissance avant que vous ayez occasion d’avoir leur repentir, et faut que vous le requeriez qu’il la vous conserve, à fin que vous puissiez continuer en la tranquillité, et en la douce vie où vous avez vesuc jusques icy. Mais puis que nous n’aspirez point à ces grandeurs ny à ces beautez, qu’est-ce donc, ô Celadon, qui vous peut arrester parmy elles ? – Helas ! respondit le berger, c’est la seule volontée de Galathée qui me retient presque comme prisonnier. Il est bien vray que si mon mal me l’eust permis, j’eusse essayé en toute façon d’eschapper, quoy que j’en recognoisse l’entreprise difficile, si je ne suis aidé de quelqu’un, si ce n’est que laissant tout respect à part, je m’en vueille aller de force. Car Galathée me tient de si court, et les nymphes quand