Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/508

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Adamas demeura un peu estonné d’ouyr sa niece parler ainsi, et eut opinion qu’elle eust peur qu’il se fust apperceu de la bonne volonté qu’elle portoit au berger, et qu’elle voulust le prevenir. Toutesfois jugeant que pour coupper les racines de ses amours, le meilleur moyen estoit de s’en esloigner Celadon, il dit à sa niece, pour mieux couvrir son artifice, qu’il desiroit ce qu’elle disoit sur toute chose, mais qu’il n’en sçavoit trouver le moyen. – Le moyen, dit-elle, est le plus aisé du monde : ayez seulement un habit de nymphe, et l’en faites vestir. Il est jeune et n’a encor point de barbe ; par ceste ruze, il pourra sortir sans estre cogneu, et sans qu’on sçache qui luy a aidé, et ainsi Galathée ne sçaura à qui s’en prendre.

Adamas trouva ceste invention bonne, et pour l’executer plustost, resolut à l’heure mesme, que la nuict estant passée, il iroit querir un habit, sous pretexte de chercher ses remedes pour guerir du tout le berger, faisant entendre à Galathée, qu’encor que le berger fust hors de fievre, il n’estoit pas hors des dangers de la recheute et qu’il y falloit pourvoir avec prudence. Et communiqua ce dessein à Silvie qui l’approuva fort, pourvu qu’il ne tardast pas beaucoup à revenir.

A peine Celadon estoit bien esveillé, que Galathée et Leonide entrerent dans la chambre sous pretexte d’apprendre comment il se portoit, et en mesme temos Adamas qui cogneut bien, voyant une si grande vigilance de ces nymphes, que tout retardement estoit dangereux. Apres avoir demandé à Celadon quelques choses ordinaires de son mal, il s’approcha de luy, et se tournant vers la nymphe, lui dit qu’elle luy permist de s’enquerir de quelques particularitez qu’il n’oseroit luy demander devant elle. Galathée qui croyoit que ce fust de sa maladie, se recula, et donna lieu à Adamas de faire