Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/507

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Amour inventast, et me semble que vous ne devez point regretter mon voyage, encor que je n’y eusse fait autre chose. Ce druide qui est cause que vous estes icy, est le plus meschant homme, et le plus rusé qui se melast jamais de tromper quelqu’un. Et lors elle raconta d’un bout à l’autre ce qu’elle avoit oüy de la bouche mesme de Climante, et de Polemas, et que tout cest artifice n’avoit esté inventé que pour de posseder Lindamor, et remettre Polemas en sa place.

Au commencement la nymphe demeura un peu estonné. En fin l’amour du berger qui la flattoit, luy persuda que Leonide parloit avec dessein, et pour la divertir de l’amitié du berger, afin de le posséder seule, de sorte qu’elle ne creut rien de ce qu’elle luy disoit. Au contraire le tournant en risée, elle luy dit : Leonide, allez vous coucher, peut-estre vous leverez-vous demain plus fine, et alors vous sçaurez mieux desguiser vos artifices. Et à ce mot [382/383] se tourna de l’autre costé en sousriant, ce qui offensa de sorte Leonide qu’elle resolut, à quelque prix que ce fust, de mettre Celadon en liberté.

Et en ce dessein, le soir mesme, elle vint trouver son oncle, auquel elle tint tel langage : Puis que vous voyez, mon pere, que Celadon se porte si bien, que voulez-vous qu’il fasse icy plus longuement ? Je ne vous ay point caché ce qui est de la volonté de Galathée : jugez que mal il en peut advenir. J’ay voulu desabuser la nymphe de ce que cet imposteur de Climante luy a persuadé, mais elle est tant acquise à Celadon que tout ce qui l’en veut retirer luy est ennemy declaré, de sorte que pour le plus seur il me semble qu’il seroit à propos de faire sortir ce berger de ceans, ce qui ne se peut sans vous, car la nymphe a l’oeil sur moy de telle façon, que je ne puis tourner un pied qu’elle n’y prenne garde et qu’elle ne me soupçonne.