Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/559

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pour ceste heure il faut que je sçache ce qu’escrit le pauvre absent. – Il a envoyé, dit-il, ces lettres par un jeune homme, qui avoit charge de les porter chez ma tante ; elle me les a incontinent envoyées, et en voicy une qu’il vous escrit. Elle l’ouvrit, et vid qu’elle estoit telle.

Lettre de Lindamor à Leonide

Autant que I’esloignement a eu peu de puissance sur mon ame, autant ay-je peur qu’il n’en ait eu beaucoup sur celle que j’adore. Ma foy me dit bien que non, mais ma fortune me menace du contraire; toutesfois l’asseurance que j’ay en la prudence de ma confidente, me fait vivre avec moins de crainte, qui si ma memoire y estoit seule. Ressouvenez-vous donc de ne tromper l’esperance que j’ay en vous, ny démentir les asseurances de nostre amitié.

Or bien, dit la nymphe, va-t’en au lieu plus proche d’icy, où tu dormiras ce soir, et reviens icy de bon matin, puis je te feray sçavoir une histoire dont tu seras bien estonné. Là dessus elle appella ce jeune homme qui vouloit parler à Silvie, et le conduisit avec elle jusques à l’antichambre de Galathée, où l’ayant fait attendre, elle entra dedans, et fit sçavoir à la nymphe ce qu’elle avoit fait de Fleurial. Il faut, dit la nymphe, que vous lisiez la lettre que Lindamor m’escrit. Et lors elle vid qu’elle estoit telle :

Lettre de Lindamor à Galathée

Ny le retardement de mon voyage, ny les horreurs de la guerre, ny les beautez de ces nouvelles hostesses de la Gaule ne peuvent tellement occuper le souvenir que vostre fidelle serviteur a de vous, qu’il ne revole continuellement au bien-heureux sejour, où en vous esloignant je laissay toute