Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/561

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que nous ferons. -Encor, continua Leonide, que l’on ne sçache l’advenir, si faut-il en tous nos desseins avoir quelque but auquel nous les adressions. Je le croy, dit Galathée, sinon en ceux de l’amour, et pour moy je n’en veux point avoir d’autre, sinon qu’il m’aime. – Il faut bien, repliqua Leonide, qu’il soit ainsi ; car il n’y a pas apparence que vous le vueilliez espouser. Et ne l’espousant pas, que deviendra cet honneur que vous vous estes si longuement conservé ? car il ne peut estre que ceste nouvelle amitié vous aveugle de sorte que vous ne cognoissiez bien le tort que vous vous faites de vouloir pour amant un homme que vous ne voulez pour mary. – Et vous, dit-elle, Leonide, qui faites tant la scrupuleuse, dites en verité, avez-vous envie de l’espouser ? – Moy, madame, respondit-elle, je le tiens estre trop peu de chose, et vous supplie tres humblement de ne me croire point de si peu de courage, que je daignasse tourner les yeux sur luy. Que s’il y a jamais eu quelque homme qui ait le pouvoir de me donner quelque ressentiment d’amour, je vous advoueray librement que le respect que je vous ay porté, m’en a retirée. -Et quand ? adjousta Galathée. -Lors, dit-elle, madame, que vous me commandastes de ne faire plus d’estat de Polemas. – O que vous avez bonne grace ! s’escria Galathée, par vostre foy ? vous n’avez point aimé Celadon ? – Je vous jureray sur la verité que je vous doy, madame, respondit-elle, que je n’ayme point d’autre sorte Celadon, que s’il estoit mon frere.

Et en cela elle ne mentoit point, car depuis que le berger luy avoit la derniere fois parlé si clairement, elle avoit recogneu le tort qu’elle se faisoit, et ainsi avoit resolu de changer l’amour en amitié.

Or bien, Leonide, dit la nymphe, laissons ce discours et celuy aussi de Lindamor, car la pierre en est jettée. – Et quelle response, dit-elle, ferez-vous à Lindamor ? – Je