Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/571

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l’animal estant touché au coeur tomba mort en mesme instant.

Le cry de tout le peuple fut grand ; car chacun esmeu de son adresse, de sa vdeur, et de son courage, le favorisoit en son ame. Luy toutesfois qui sçavoit bien que la rigueur de ses juges ne s’arresteroit pas là, courut promptement reprendre son poignard. Et presque en mesme temps voila un autre lion, non moins effroyable que le premier, qui aussi tost que sa porte fut ouverte, vint, la gorge beante de telle furie, que Ligdamon en fut presque surpris. Toutesfois au passer il se destourna un peu, et luy donna un si grand coup d’espée sur une patte, qu’il la luy couppa, de quoy l’animal en furie retourna si promptement vers luy, que du heurt il le jeta par terre. Mais sa fortune fut telle, qu’en tombant, et le lion se lançant dessus, il ne fit que tendre son espée qui luy donna si à propos sous le ventre, qu’il tomba mort presque aussi promptement que le premier.

Cependant que Ligdamon alloit ainsi disputant sa vie, voilà une dame, belle entre les plus belles Neustriennes, qui se mit à genoux devant les juges, les suppliant de faire surseoir l’execution, jusques à ce qu’elle eust parlé. Eux qui la cogneurent pour estre des principales du pays, voulurent bien la gratifier de ceste faveur, et mesme que c’estoit celle-cy pour qui Lydias avoit tué Aronthe : elle s’appeloit Amerine.

Et lors elle leur parla de ceste sorte d’une voix assez honteuse : Messieurs, l’ingratitude doit estre punie comme la trahison, puis que c’en est une espece. C’est pourquoy, voyant Lydias condamné pour avoir esté contraire à ceux de sa patrie, je craindrais l’estre, sinon de vous, sans doute de nos dieux, si je ne me sentois obligée à sauver la vie a qui la voulut mettre pour me sauver l’honneur. C’est pourquoy je me presente devant