Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/59

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s’acheter par ceste douce vie, un honneste repos. – Et quoy, Madame, adjousta Leonide, vous oublierez par ainsi l’affection, et les services du gentil Lindamor ? – Je ne voudrois pas, dit Galathée, qu’un oubly fut la recompense de ses services ; mais je ne voudrois pas aussi, que l’amitié que je luy pourrois rendre fust l’entiere ruine de tous mes contentements. – Ah ! Madame, dit Leonide, ressouvenez-vous combien il a esté fidelle. – Ah ! m’amie, dit Galathée, considerez ce que c’est que d’estre eternellement mal- heureuse. – Quant à moy, respondit Leonide, je plie les espaules à ces jugements d’amour, et ne scay que dire, sinon qu’une extreme affection, une entiere fidelité, l’employ de tout un age, et un continuel service, ne se doivent si longuement recevoir, ou receus meritoyent d’estre payez d’autre monnoye que d’un change. Pour Dieu, Madame, considerez combien sont trompeurs ceux qui dient la fortune d’autruy, puis que plus souvent ce ne sont que legeres imaginations que leurs songes leur rapportent, combien menteurs, puisque de cent accidents qu’ils predisent, à peine y en a-t’il un qui advienne ! combien ignorants, puis que se meslant de cognoistre le bon-heur d’autruy, ils ne sçavent trouver le leur propre ! Et ne vueillez pour les fantastiques discours de cet homme rendre si miserable une prsonne, qui est tant à vous ; remettez- vous devant les yeux combien il vous aime, à quels hazards il s’est mis pour vous, quel combat fut celuy de Polemas, et quel desespoir fut lors le sien, quelles douleurs vous luy preparez à cette heure, et quelles morts vous le contraindrez d’inventer pour se deffaire, s’il en a cognoissance.

Galathée, en branlant la teste, luy respondit : Voyez-vous, Leonide, il ne s’agit pas icy de l’election de Lindamor,