Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ou tout mon mal. Les considerations que vous avez sont tres bonnes pour vous, à qui mon mal-heur ne toucheroit que par la compassion ; mais pour moy elles sont trop dangereuses, puis que ce n’est pas pour un jour, mais pour tousjours que ce mal-heur me menace. Si j’estois en vostre place et vous en la mienne, peut-estre vous conseilleroy-je cela mesme que vous me conseillez, mais certes une eternelle infortune m’espouvante. Quant aux mensonges de ces personnes que vous dites, je veux bien croire pour l’amour de vous, que peut-estre il n’adviendra pas, mais peut-estre aussi adviendra-t’il.Et dist-moy, je vous supplie, croiriez vous une personne prudente, qui pour le conentement d’autruy, laisseroit balancer sur un peut-estre tout son bien, ou tout son mal ? Si vous m’aimez, ne me tenez jamais ce discours, ou autrement je croiray, que vous cherissez plus le contentement de Lindamor que le mien. Et quant à luy, ne faites doute qu’il ne s’en console bien par autre moyen que par la mort, car la raison et le temps l’emportent tousjours sur ceste fureur. Et de fait, combien en avez-vous veu de ces tant desesperez pour semblables occasions, qui peu de temps apres ne se soient repentis de leurs desespoirs ?

Ces belles nymphes discouroient ainsi, quand de loin elles virent retourner Silvie, de laquelle pour estre trop jeune, Galathée s’alloit cachant ainsi que j’ai dit. Cela fut cause qu’elle trencha son discours assez court, toutesfois elle ne laissa de dire à Leonide : Si vous m’avez aimée quelquesfois, vous me le ferez paroistre à ceste heure, que non seulement il va de mon contentement, mais de toute ma felicité. Leonide ne luy peut respondre, parce que Silvie s’en trouva si proche qu’elle eust ouy leurs discors. Estant arrivée, Galathée sceut que Celadon estoit esveillé,