Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/613

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il falloit prendre le poignard ou l’espée. Et toutesfois me voilà resolue d’entrer au combat contre un chevalier qui toute sa vie avoit fait ce mestier, et qui avoit tousjours acquis tiltre de brave et vaillant. Mais toutes ces considerations estoient nulles envers moy qui avoit esleu de mourir avant celuy que j’aimois la vie. Et quoy que je sceusse bien que je ne le pourrois pas sauver, toutesfois ce ne m’estoit peu de satisfaction qu’il deust avoir ceste preuve de mon amitié.

Une chose me tourmentoit infiniment, à quoy je voulus tascher de donner remede, qui etsoit la crainte d’estre cogneue de Lydias, et que cela ne m’empeschast d’achever mon dessein, parce que nous devions combatre desarmez. Pour à quoy remedier, j’envoyay un cartel à Lypandas, par lequel apres l’avoir deffié, je le priois qu’estant tous deux chevaliers, nous nous servissions des armes que les chevaliers ont accoustumé, et non popint des celles des desesperez. Il respondit que le il se trouveroit sur le champ, et que j’y vinsse armé, qu’il en feroit de mesme, toutesfois qu’il vouloit que ce fust à son choix, apres avoir commencé le combat de ceste sorte, pour ma satisfaction , de l’achever pour la sienne comme il avoit proposé au commencement: moy qui ne doutois point qu’en toute sorte je n’y deusse mourir, l’acceptay comme il le voulut.

Et en ce dessein le lendemain armée de toutes pieces je me presenty sur le champ, mais il faut advouer le vray ; j’estois si empeschée en mes armes que je ne sçavois comme me remuer.

Ceux qui me voyoient aller chancellant, pensoient que ce fusat de peur du combat, et c’estoit de foiblesse. Bient tost apres voilà venir Lypandas armé et monté à l’advantage, qui à son abord effroyoit ceux mesmes a qui le danger ne touchoit point, Et croiriez-vous que je ne