Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/616

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Lydias vous devriez laisser ce combat. – Non, non dit Lypandas en colere, Lydias et vous mourrez. – J’essayeray, repliquay-je, de tourner ceste sentence sur vostre teste. Et lors m’esloignant dans le champ le plus que je peux de Lydias de peur d’estre recogneue, avec l’aide de ceux qui le gardoient, je me desarmay ; et d’autant que nous avions fait provision tous deux d’une espée et d’un poignard, apres avoir laissé le pourpoint, nous venons l’un conte l’autre.

Il faut que je vous die que ce ne fut pint sans peine que je cachois le sein, parce que la chemise, en dépit que j’en eusse, monstroit l’enfleure des tetins, mais chacun eust pensé toute autre chose plustost que cella-là, et quant à Lydias, il ne me peut recognoistre, tant pour me voir en cet habit desguisé, que purce que j’estois enflammée de la chaluer des armes, et ceste couleur haut me changeoit beaucoup le visage.

En fin nous voilà, Lypandas et moy, à dix ou douze pas l’un de l’autre : l’on nous avoit mesparty le soleil, et les juges s’estoient retirez. Ce fut lors que veritaablement je croyois mourir, m’asseurant quàu premier coup il me mettroit l’espée dans le corps. Mais la fortune fut si bonne pour Lydias, car ce n’estoit que de sa vie que je craignois, que cet arrogant Lypandas venant de toute furie à moy, broncha si à propos qu’il vint donner de la teste presque à mes pieds, si lourdemant que de luy-mesme il se fit deux blessures : l’une du poignard dont il se perça l’espaule droite, et l’autre,de l’espée donnant du front sur le tranchant, Quant à moy, je fus si effroyée de sa cheute, que je croyois desja estre morte, et sans luy faire autre mal, je me reculay deux ou trois pas. Il est vray que m’imaginant de le pouvoir vaincre plus par ma courtoisie que par ma valeur, je luy dis : Levez-vous, Lypandas, ce n’est point en terre qeu je