Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/617

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vous veux offenser. Luy qui estoit demeuré quelque temps estourdi du coup, tout en furie se releva pour se jetter sur moy, mais des deux blesseures qu’il s’estoit faites, l’une l’aveugloit, et l’autre luy ostoit la force du bras, de sorte qu’il ne voyoit rien, et si ne pouvoit presque soustenir l’espée, de quoy m’appercevant je pris courage, et m’en vins à luy l’espée haute, luy disant : Rends-toy, Lypandas, autrement tu es mort. – Pourquoy, me dit-il, me rendray-je, pius que les donditions de nostre combat ne sont pas telles ? Contente toy que je mettray Lydias en liberté. Alors les juges estans venus, et Lypandas ayant ratfié sa promesse, ils m’accompagnerent hors du champ comme victorieux.

Mais craignant que l’on ne me fist quelque outrage en ce lieu là pour y avoir Lypandas toute puissance, apres m’estre armée, je m’approchay, la visiere baissée, de Lydias et luy dis: Seigneur Lydias, remerciez Dieu de ma victoire, et si vous desirez que nous puissions plus longuement conferer ensemble, je m’en vais en la ville de Rigiaque, où j’atendray de vos nouvelles quinze jours, car apres ce terme je suis contraint de parachever quelqque affaire, qui m’emmenera loing d’icy, et pourrez demander le Chevalier Triste, parce que c’est le nom que je porte pour les occasions que vous sçaurez de moy. – Ne cognoistray-je point, dit-il, autrement celuy à qui je suis tant oblige ? – Ny pour vostre bien, luy dis-je, ny pour le mien il ne se peut. Et à ce mot je le laissay, et apres, estre pourveue d’un autre cheval, je vins à Rigiaque où je demeuray depuis.

Or ce traistre de Lypandas, aussi tost que je fus partie, fit remttre Lydias en prison plus estroitte qu’auparavant, et quand il s’en plaignoit et qu’il luy repochoit la promesse qu’il m’avoit faite, il respondoit qu’il avoit primis de le mettre en liberté, mais