Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/67

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qui proprement n’estoit que le lieu où ils tenoient leurs armées durant le temps qu’ils mirent perdre aux contrées voisines.

Voilà, Celadon, ce que l’on tient pour asseuré de l’antiquité de ceste province, mais il y a deux opinions contraires de ce que je vous vay dire. Les Romains disent que du temps que nostre plaine estoit encore couverte d’eau, la chaste déesse Diane l’eut tant agreable, qu’elle y demeuroit presque ordinairement ; car ses Dryades, et Hamadryades vivoient, et chassoient dans ces grands bois et hautes montaignes qui ceignoient ceste grande quantité d’eaux, et parce qu’elle n’estoit que de sources de fontaines, elle y venoit bien souvent se baigner avec ses Nayades, qui y demeuroient ordinairement. Mais lors que les eaux s’ecoulerent, les Nayades furent contraintes de les suivre, et d’aller avec elles dans le sein de l’ocean, si bien que la déesse se trouva tout à coup amoindrie de la moitié de ses nymphes ; et cela fut cause que ne pouvant avec un choeur si petit, continuer ses ordinaires passe-temps, elle esleut quelques filles des principaux druydes et chevaliers, qu’elle joignit avec les nymphes qui luy estoient restées, ausquelles elle donna aussi le nom de nymphes.

Mais il advint, comme en fin l’abus pervertit tout ordre, que plusieurs d’entr’elles, qui avoient de jeunesse esté nourries en leurs maisons, les unes entre les commoditez d’une aimable mere, les autres entre les allechements des soupirs, et des services des amants, ne pouvant continuer les peines de la chasse, ny bannir de leur memoire les honnestes affections de ceux qui autrefois les avoient recherchées, se voulurent retirer en leurs maisons, et se marier. Quelques autres, à qui la Déesse en refusa le congé, manquerent à leur promesse, et à leur honnesteté,