Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/68

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de quoy elle fut tant irritée, qu’elle resolut d’esloigner ce pays prophané, ce luy sembloit, de ce vice qu’elle abhorroit si fort. Mais pour ne punir la vertu des unes, avec l’erreur des autres, avant que de partir, elle chassa ignominieusement, et bannit à jamais hors du pays toutes celles qui avoient failly, et éleut une des autres, à laquelle elle donna la mesme authorité, qu’elle avoit sur toute la contrée, et voulut qu’à jamais la race de celle là y eust toute puissance, et dès lors leur permit se marier, avec deffences toutefois tres-expresses, que les hommes n’y succedassent jamais. Depuis ce temps, il n’y a point eu d’abus entre nous, et nos lois ont tousjours esté inviolablement observées.

Mais nos druydes parlent bien d’autre sorte, car ils disent que nostre grande princesse Galathée, fille du roy Celte, femme du grand Hecule et mere de Galathée, qui donna son nom aux Gaulois, qui auparavant estoient appelez Celtes, pleine d’amour pour son mary, le suivoit partout où son courage et sa vertu se portoient contre les monstres, et contre les géants. Et de fortune en ce temps-là ces monts qui nous separent de l’Auvergne, et ceux qui sont plus en là à la main gauche, qui se nomment Cemene, et Gebenne, servoient de retraite à quelques geants, qui par leur force se rendoient redoutables à chacun. Hercule en estant adverty y vint, et parce qu’il aymoit tendrement sa chere Galathée, il la laissa en ceste contrée, qui estoit la plus voisine et où elle prenoit beaucoup de plaisir, fut à la chasse, fut en la compagnie des filles de la contrée. Et parce qu’elle estoit royne de toutes les Gaules, lors qu’Hercule eust vaincu les géants, et que la nécessité de ses Affaires le contraignit d’aller ailleurs, avant que partir, pour laisser une memoire eternelle du plaisir qu’elle avoit eu en ceste contrée, elle ordonna ce que les Romains disent, que la déesse Diane avoit