Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/70

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Alors Celadon cognoissant qui estoient ces belles nymphes, recogneut aussi quel respect il leur devoit, et quoy qu’il n’eust pas accostumé de se trouver ailleurs qu’entre les bergers, ses semblables, si est-ce que la bonne naissance qu’il avoit, luy appreniot assez ce qu’il devoit à telles personnes. Donc apres leur avoir rendu l’honneur, auquel il croyoit estre obligé : Mais, dit-il en continuant, encor ne puis-je assez m’estonner de me voir entre tant de grandes nymphes, moy qui ne suis qu’un simple berger, et de recevoir d’elles tant de faveurs. – Celadon, respondit Galathée, en quelque lieu que la vertu se trouve, elle merite d’estre aimée et honorée, aussi bien sous les habits des bergers, que sous la glorieuse pourpre des rois. Et pour vostre particulier vous n’estes point envers nous en moindre consideration, que le plus grand des druydes, ou des chavaliers de nostre cour, car vous ne devez leur ceder en faveur, puis que vous ne le faites en mérite. Et quant à ce que vous voyez entre nous, sçachez que ce n’est point sans un grand mystere de nos dieux, qui nous l’ont ainsi ordonné, comme vous le pourrez sçavoir à loisir, soit qu’ils ne vueillent plus que tant de vertus demeurent sauvages entre less forests, et les lieux champestres, soit qu’ils facent dessein, en vous faisant plus grand que vous n’estes, de rendre par vous bienheureuse une personne qui vous aime. Vivez seulement en repos, et vous guerissez, car il n’y a rien que vous puissiez desirer en l’estat où vous estes, que la santé. – Madame, respondit le berger, qui n’entendoit pas bien ces paroles, si je dois desirer la santé, le principal sujet est, pour vous pouvoir rendre quelque service, en eschange de tant de graces qu’il vous plaist de me faire ; il est vray que tel que je suis, il ne faut point