Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/89

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de mille desseins genereux, ne permit à mon pere de sçavoir le deplaisir d’Amarilis estre causé par un homme, sans incontinent faire resolution de chastier cet outrecuidé. Et ainsi avec le congé de l’empereur, s’en vint deguisé en la maison de Cleante, qui sçachant sa deliberation, tascha plusieurs fois de len divertir, mais amour avoit de plus fortes persuasions que luy. Et un matin que Pimandre sortoit pour aller au temple, Alcippe se presenta devant luy, armé de toutes pieces, et quoy qu’il eust la visiere haussée, si ne fut-il point recogneu pour la barbe qui lui estoit venue depuis son départ. Lors que Pimandre sceut sa resolution, il en fit beaucoup d’estat, pour la haine qu’il portoit à cest etranger, à cause de son arrogance et de sa cruauté, et dés l’heure mesme fit advenir le Visigoth par un heraut d’armes. Pour abreger, mon pere le vainquit, et en presenta l’espée à Pimandre, et sans se faire cognoistre à personne, sinon à Amarillis, qui le vid en la maison de Cleante, il s’en retourna à Bisance, où il fut receu comme de coustume. Cependant Cleante qui n’avoit nul plus grand desir, que de le revoir libre en Fortetz, le decouvrit à Pimandre, qui estoit fort desireux de sçavoir le nom de celui qui avoit combatu l’estranger. Luy au commencement estonné, eb fin esmeu de la vertu de cet homme, demanda s’il estoit possible qu’il fust encor en vie. A quoy Cleante respondit, en racontant toutes ses fortunes, et tous ses longs voyages et en fin quel il estoit parvenu aupres de tous les rois qu’il avoit servis. – Sans mentir, dit alors Pimandre, la vertu de cet homme merite d’estre recherchée, et non pas bannie, outre l’extreme plaisir, qu’il m’a fait ; qu’il revienne onc, et qu’il s’asseure que je le cheriray, et aimeray, et comme il merite, et que dés icy je lui pardonne tout ce qu’il a contre moy.

Ainsi mon pere, apres avoir demeuré dixsept