Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/88

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bonté et la liberalité sont les deux aymans, qui attirent le plus l’amitié de chacun) dés le commencement de son regne, il publia une abolition generale de toutes les offenses faites en son royaume. Voilà un grand commencement pour moyenner le retour d’Alcippe ! si ne pouvoit-il encore revenir, d’autant que Pimandre n’avoit point oublié l’injure receue. Toutesfois, ainsi que les Visigotz furent cause de son bannissement, de mesme la fortune s’en vulut servir pour instrument de r’appel.

Quelque temps auparavant, comme je vous ay dit, Artus roy de la Grande Bretagne avoit institué les chavaliers de la Table ronde, qui estoit un certain nombre de jeunes hommes vertueux, oblidez d’aller chercher les advntures, punir les mechans, faire justice aux oppressez, et maintenir l’honneur des dames. Or les Visigotz d’Espagne, qui alors demeuroient dans Pampelune, à l’imitation de cestuy-cy esleurent des chevaliers, qui alloient en divers lieux monstrans leur force et adresse. Il advint qu’en ce temps un de ces Visigotz, apres avoir couru plusieurs contrées s’en vint à Marcilly, où ayant fait son deffi accoustumé, il vainquit plusieurs des chavaliers de Pimandre, auxquels il cupoit la teste et d’une cruauté extreme pour tesmoignge de sa valeur les envoyoit à une Dame qu’il servoit en espagne. Entre les autres Amarillis y perit un oncle, qui comme mon pere, ne voulant demeurer dans le repos de la vie champestre, avoit suivi le mestier des armes. Et parce que durant cest eloignement, elle avoit esté assez curieuse pour avoir d’ordinaire de ses nouvelles, par la voye de certains garçons qu’elle et luy avoient dressez à cela, aussitost que ce mal-heur luy fut avenu, elle luy esrivit, non pas en opinion qu’il deust s’en retourner, mais comme luy faisant part de son deplaisir.

Amour qui n’est jamais dans une belle ame sans la remplir