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Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/96

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mal-aisée à rapaiser. Le moindre doute est en moy une asseurance : il faut que mes volontez soient des destinées, mes opinions des raisons, et mes commandemens des loix inviolables. Croyez moy encore un coup, retirer-vous, berger, de ce dangereux labyrinthe, et fuyez un dessein si ruineux. Je me recognois mieux que vous, ne vous figurez de pouvoir à la fin changer mon naturel, je rompray plustost que de plier, et ne vous plaignez à l’advenir de moy, si à ceste heure vous ne croyez ce que je vous en dis.


Ne me tenez jamais pour ce que je suis, dit Galathée, si ce berger n’est amoureux, car en voicy un commencement qui n’est pas petit. – Il n’en faut point douter, dit Silvie, estant si honneste homme. – Et comment, repliqua Galathée, avez-vous opinion qu’il faille necessairement aimer pour estre tel ? – Ouy, madame, dit-elle, à ce que j’ay ouy dire ; par ce que l’amant ne desire rien d’avantage, que d’estre aimé, pour estre aimé, il faut qu’il se rende aimable, et ce qui rend aimable, est cela mesme qui rend honneste homme. A ce mot Galathée luy donna une lettre qui estoit un peu mouillée pour la seicher au feu, et cependant elle en prit une autre qui estoit telle.

Lettre d’Astrée a Celadon

Vous ne voulez croire que je vous ayme, et que je croye que vous m’aimez ; si je ne vous aime point, que vous profitera la creance que j’auray de vostre affection ? a faire peut-estre, que ceste opinion m’y oblige ? A peine, Celadon, le pourra ceste foible consideration, si vos merites et les services que j’ay receus de vous, ne l’ont peu encores. Or voyez en quel estat sont vos affaires : je ne veux pas seulement que vous sçachiez que vous m’aymez, mais je veux de plus, que vous soyez asseuré que je vous ayme, et entre tant