Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/142

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me reserve, mais ce commencement m’est bien tant agreable, que mon desir n’y sçauroit rien adjouster, pouvant dire avecque verité, que l’espoir ne m’en a jamais tant osé promettre que la courtoisie de ma maistresse m’en a desja fait obtenir. – Mon serviteur, respondit froidement Alexis, vostre merite est tel, qu’avec raison il vous doit assurer de toutes les faveurs que vous sçauriez desirer, mais si vous me voulez obliger, considerez, je vous supplie, combien le Ciel m’a esté favorable en la rencontre que j’ay faite de vous, puis qu’ayant encor dans le cœur l’extreme amertume du changement de cette fille que j’ay tant aymée, et que j’ayme encore, il l’a voulu chasser par la douceur de vostre amitié, faisant bien paroistre par là, que le meilleur remede d’un mal nous vient tousjours par son contraire. – Me permettrez-vous, ma maistresse, reprit Astrée, avec un petit sousris, de vous dire qu’en l’extreme faveur que vous me faites, vous me rendez toutesfois jalouse. – N’est-ce pas, respondit Alexis, parce que je dis que j’ayme encore cette belle fille, de laquelle je plains le changement? – Et n’en ay-je pas un peu de raison, adjousta la bergere, si je veux avoir veritablement le nom de serviteur que vous m’avez donné? – Mon serviteur, dit Alexis, vous n’en avez point d’occasion, puis que je vous aimeray comme mon serviteur, et elle, comme ma maistresse. – Ny cela encore, respondit Astrée, ne me peut oster la jalousie, car tant s’en faut, je crois à cette heure en avoir plus de sujet, d’autant que l’amour qu’