Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/152

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tiens pour bien payées toutes les importunitez que j’ay souffertes de sa feinte, par la cognoissance que Laonice nous a donnée de ses intentions. – Il me semble, adjousta Alexis, que le rapport que cette fille vous a fait n’est pas si assuré, que vous y deussiez donner tant de foy, ni en faire un entier jugement devant que vous l’eussiez sceu par sa bouche mesme. – Ah! madame, dit Diane en se tournant de l’autre costé, je vous assure, que je me soucie si peu, ny de son amour, ny de sa hayne, que je ne voudrois pas y avoir employé une seule parole; mais outre cela, penseriez-vous retirer la verité d’une ame si dissimulée et si feinte? – Et pourquoy, reprit Astrée, feindra-t’il, s’il ne vous ayme point? – Et ne vous puis-je pas aussi demander, respondit Diane, pourquoy ne m’aymant point, il a feint le contraire avec tant de dissimulation. – Je dirois, quant à moy, repliqua Astrée, qu’il n’a pas fait cette faute; mais toutesfois, si vous voulez qu’il l’ait commise, j’en accuseray l’amour qu’il portoit à cette Madonte, par ce que, cependant qu’elle demeuroit parmy vous, elle pouvoit estre bien aise qu’il l’aymast à vos despens, mais maintenant qu’elle s’en est allée, cette feinte, ce me semble, serait bien inutile. – Je ne pense pas aussi, dit Diane, qu’il la continue. – Mais, adjousta Astrée, s’il la continue, que direz-vous? – Je diray, respondit Diane, qu’ayant tant de fois blasmé l’inconstance, il a honte de se faire recognoistre inconstant. – S’il avoit cette honte, repliqua Astrée, il ne se fust pas descouvert si librement devant tous