Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

celle des femmes, fust autre chose que l’opinion de celuy qui les void? puis que, s’il estoit autrement, celle qui sembleroit belle à une personne, seroit telle aux yeux de tous ceux qui la verraient, ce que tu esprouves bien estre faux, en l’opinion que tu as, et que j’ay aussi de la beauté de Diane, et de la plus grande beauté de Stelle.

– Le fondement, repliqua Silvandre, sur lequel tu bastis, est posé sur un sable si mouvant, qu’il ne peust que tomber bientost en ruine, puis que ce n’est pas l’opinion que l’on a de chaque chose qui met le prix à sa valeur, mais la propre bonté qui est en elle, autrement il s’ensuivroit qu’une pierre bien falcifiée, ou l’or faux d’un sçavant alchemiste seroit meilleur que le vray diamant ou l’or bien purifié, puis que bien souvent on a opinion, les voyant si beaux, qu’ils soient meilleurs que les autres. Mais sçais-tu, Hylas, d’où vient cette opinion? C’est sans plus de l’ignorance, par ce que si l’on sçavoit que ces diamans et cet or fussent faux, on ne les estimeroit jamais tant que ceux qui sont bons et naturels; de mesme est-il du jugement que tu fais de Diane et de Stelle, car si tu sçavois que c’est que la beauté, tu en jugerois sainement, et non pas à la volée comme tu fais. – Quant à moy, reprit Hylas, je ne pense point faillir, ayant la plus grande partie des hommes de mon costé. – C’est aussi, répondit Silvandre, la plus grande partie, celle des ignorants. Et toutesfois, encore que la beauté soit un rayon, qui de la divinité s’estend sur toutes les choses, soit spirituelles soit corporelles, si est-ce qu’en tant