Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/158

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

point estonner de me voir faire quelque chose contre ma coustume. Quant au nom que vous me donnez de vostre ennemie, s’il me doit demeurer pour quelque autre occasion, je n’en sçay rien, mais si fay bien, que pour celle de Diane vous ne me le devez non plus donner qu’à elle celuy de vostre maistresse.

Silvandre fur un peu estonné voyant cette froideur, et oyant ce langage; toutesfois, se ressouvenant que Phillis avoit accoustumé de luy faire la guerre, il ne fit au commencement qu’en [90/91] sousrire. Mais un peu apres, considerant que si c’estoit une feinte, elle estoit trop bien representée, et duroit trop longuement, il l’esloigna de la trouppe pour n’estre ouy ny veu de personne, encore que ce fust bien en vain, par ce que tous ces bergers et bergeres s’amusoient de sorte au tour de Hylas, se mocquants de la victoire qu’il avoit obtenue, que malaisément eussent-ils pris garde à aucune de ses actions. Cela fut cause que le berger se voyant assez esloigné, pour n’estre entendu: Vos paroles, dit-il, ô Phillis, et vostre mine montrent bien que vous estes mon ennemie; mais pour ce qui est de Diane, il n’y a rien qui ne me die qu’elle est ma maistresse, et que je n’en dois jamais avoir d’autre. – Ce que vous devez, repliqua Phillis, je ne le sçay pas, mais pour ce qui est de Diane, je suis tres-assurée qu’elle n’est, ny ne veut rien estre pour vous. – Ah! Mon ennemie, s’escria alors Silvandre. Et s’approchant davantage d’elle: Je vous supplie, ne continuez plus cette feinte ny ce langage, car