Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/161

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ou la cognoissez-vous de si peu de courage, qu’elle le puisse souffrir sans ressentiment? Voyez-vous, berger, les dissimulations et tromperies peuvent bien quelque temps abuser ceux qui ne soupçonnent point une telle trahison, mais depuis que l’on y veut prendre garde, croyez-moy que c’est comme de l’alchemie: pour peu qu’on la frotte, elle rougit, et montre incontinent sa fausseté. Il n’y a rien de tel, ny qui soit plus estimable que d’aller franchement en toutes choses, les finesses et les tromperies sont des tesmoignages d’un courage vil et abbatu. – Je vous avoue, dit le berger, tout ce que vous dittes, mais en fin, qu’ay-je fait? – Vous le sçavez, respondit-elle, mieux que personne, la chose est trop descouverte, pour penser que vous la puissiez encore tenir cachée. Que si vous voulez l’entendre de ma bouche, et qu’il ne faille plus que cela pour vous convaincre, je dis, Silvandre, que vous avez fait semblant d’aymer Diane, cependant que vous donniez toute vostre affection à Madonte. C’est chose que vous [92/93] ne pouvez plus nier, si vous n’estes le plus effronté berger de l’univers: toute cette contrée le sçait et s’en rid, et Diane et nous comme les autres. Que si nous en avons en quelque desplaisir, ce n’est pas que Diane se soucie d’estre aymée de vous; vrayment, ce luy est un grand avantage que d’estre recherchée d’un berger vagabond et incognu, comme vous estes, elle qui n’a personne qui la devance, ny en vertu, ny en merite. Mais l’ennuy que nous en pouvons avoir eu, procede seulement des importunitez que sans