Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/162

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y penser nous luy avons fait avoir de nous. Et dittes la verité, Silvandre, quel dessein estoit le vostre en cette feinte? Comment vous estiez-vous imaginé qu’elle pust demeurer longuement cachée? et se descouvrant, n’avez-vous point apprehendé que chacun fist avec raison un tres mauvais jugement de vous? Diane est plus belle quand elle pleure, que Madonte quand elle rit; les défaveurs de Diane sont plus estimables que toutes les caresses de cette coureuse; et où est vostre entendement, Silvandre, en faisant un si mauvais choix? – Diane, reprit Silvandre, a pu croire ce que vous dittes? – Et comment, respondit Phillis, ne l’eust-elle pas creu, puis que chacun le luy a dit, et qu’elle en a veu les effects tres-assurez? Car à quoy ce grand soing que vous aviez de tout ce qui touchoit cette estrangere? A quoy toute cette eloquence pour luy persuader de ne point partir, à quoy vous jetter à ses pieds, à quoy luy embrasser les genoux pour l’en supplier, à quoy ces larmes espandues en luy disant Adieu, et à quoy en fin ce voyage hors de saison que vous venez de faire avec elle? Et Dieu sçait, pauvre berger, comme vous avez employé vostre service! La pauvrette meurt d’amour pour mille autres qui ne vous valent pas, et Tersandre la possede tellement, qu’il n’y a pas grande esperance pour vous; que si vous ne l’avez recogneu vous-mesme, il faut bien avouer que l’Amour n’est pas seulement aveugle, mais qu’il rend encore tels tous ceux qui le suivent. Or tout ce que je vous en dis n’est