Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bien qu’on luy remettoit la manche de sa chemise, et de sa juppe, si ne pensa-t’il point au larcin qu’on luy avoit fait, ayant seulement opinion que l’on l’avoit des-habillé, pour luy donner quelque secours.

En fin Alexis voyant que sans leur dire un seul mot, il leur laissoit faire tout ce qu’elles vouloient, afin de le remettre un peu: Et quoy? berger, luy dit-elle, quel est cet accident, et perdez-vous ainsi le courage? Silvandre alors prenant Alexis pour une [96/97] bergere, par ce qu’elle en avoit l’habit, apres l’avoir remerciée, et ses compagnes aussi, de la peine qu’elles avoient toutes voulu prendre pour luy, il continua: C’est plustost signe, dit-il, de faute de courage, de pouvoir supporter sans mourir le mal que je ressens. – Vous vous trompez, reprit Astrée, le courage est de surmonter toutes sortes d’accidens; et croyez-moy, que, pour peu que vous veuillez faire paroistre que vous estes homme, ce mal n’est pas si grand qu’aisément vous ne le surmontiez. Phillis qui craignoit que ce ressouvenir luy renouvellast l’ennuy qui l’affligeoit: Ne parlons plus du mal, adjousta-t’elle, mais seulement de la guerison. Silvandre alors respondit à Astrée, la prenant pour une druide, parce qu’elle estoit ainsi vestue: Cette bergere, madame, sçait mieux la grandeur de ma maladie que tout autre; et c’est pourquoy, la jugeant incurable, elle a raison de ne vouloir point qu’on parle. Mais, continua-t’il en se relevant, quoy qu’avec peine, ce bon Genie, qui jusques icy a eu soin de ma deplorable