Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/170

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n’eust pas plustost proferé ces paroles, que Silvandre receut comme venant d’un oracle, que, commençant d’esperer, il changea le farouche regard que le desespoir luy avoit mis dans les yeux, et montrant un visage plus serain et plus ouvert, il mit les genoux en terre, haussa les yeux et les mains au Ciel, et la teste nue: C’est bien, dit-il, veritablement de vous seul, ô souverain Tautates Taramis que j’attends le secours que je ne puis esperer d’ailleurs, puis que vous sçavez assurément que mon supplice est injuste, et que je ne suis point coulpable de la faute pour laquelle j’y suis condamné!

Alexis qui vid partir Astrée, et qui ne pouvoit souffrir d’estre en quelque lieu sans elle, fit dessein de la suivre, et de ne demeurer pas là plus longuement, tant pour ce sujet, que par ce qu’elle eut peur que ce berger ne la recognust revestue des habits d’Astrée, et que par ce moyen il ne se prist garde aussi qu’Astréé avoit pris les siens, ce qui eut pu faire un contraire effect à leur dessein. Ces considerations furent cause qu’elle fit signe à Phillis de demeurer là encore quelque temps, de peur qu’il ne les suivist; et en partant, elle dit: Souvenez-vous, berger, que si, ayant eu l’advis que vostre bon Genie vous a donné, vous vous rendez incapable de secours qu’il vous promet, vous serez beaucoup plus coulpable, estant Silvandre, que si vous estiez un berger qui eust moins de cognoissance des dieux.

Le berger la vouloit remercier, lors que sans attendre sa response,

elle s’achemina au