Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/176

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d’elle en une indifference, qui est un tres-certain tesmoignage de fort peu de bonne volonté.

Cependant que Phillis parloit de cette sorte, Diane qui n’en perdoit pas un seul mot, approuvoit tellement ce qu’elle disoit, que si quelqu’un l’eust apperceue, il eust eu aysément cognoissance du mal qui la pressoit parce que quand Phillis touchoit les poincts qui la pressoient le plus, elle faisoit des actions de la teste, des mains, et du reste du corps, qui monstroient bien ce qu’elle vouloit cacher. Mais lors que Silvandre reprit la parole, elle demeura immobile, les yeux tendus sur luy, la main advancée, et la bouche entr’ouverte, comme si elle l’eust voulu convaincre de mensonge à la premiere excuse qu’il apporteroit. Elle ouyt donc qu’il parloit ainsi: Discrette et sage bergere, pleust à Dieu que le peu de vie qui me reste, me donnast les moyens de m’acquitter de cette extreme obligation! afin que vous pussiez recognoistre combien me lie la compassion que vous avez de moy, comme du plus affligé et innocent berger de l’univers. Mais en ce que le Ciel me déniera pour mon impuissance, il le suppléera sans doute par sa bonté, pour monstrer qu’il ne laisse jamais sans recompense une œuvre si juste et si louable. Vous m’accusez, bergere, d’une faute de laquelle je me sens si peu coulpable, que je suis contraint de vous supplier par la chose du monde que vous avez la plus chere, de me dire plus clairement ce que vous venez de me reprocher, afin que je vous puisse répondre avec la verité que je dois.

Diane qui l’escoutoit: Voyez le cauteleux! disoit-elle en elle-mesme, et sans oser seulement prononcer