Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/184

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s’il est ainsi, il faut confesser que mon naturel je ne suis guere sujet à cette passion mais comment ne le serois-je plus qu’Hylas mesme, si le peu de pratique que j’ay de cette fille m’avoit ravy le cœur, et mesme estant entre les mains de Diane?

Je ne scay quel vous m’avez jugé depuis que j’ay eu l’honneur de vivre parmy vous, et toutesfois je pense que vous ne m’avez jamais estimé sans jugement mais, en cette action de laquelle je suis accusé, le deffaut de l’un et de l’autre y est tel que je ne sçay si le pauvre Adraste en pourroit avoir un plus grand. Seroit-ce pas un deffaut d’esprit, de choisir Madonte pour laisser Diane? Diane, la plus belle, la plus sage, et la plus accomplie fille qui soit en l’univers, et Madonte, qui n’a rien qui merite d’estre estimé, si ce n’est en ce qu’elle peut avoir quelque chose qui ressemble à Diane, quoy que moins parfaitement: vous sçavez, bergere, que ces paroles ne peuvent estre si advantageuse pour ma maistresse, que la verité ne le soit encore beaucoup plus. Et ne faudroit-il pas estre encore plus privé de jugement que les plus insensez, si, sçachant que Madonte ayme un chevalier qu’elle va cherchant, je pretendois l’en pouvoir divertir? cette amour ayant esté si forte et si violente qu’elle luy a clos les yeux, et luy a empesché de voir la perte qu’en cette recherche elle faisoit de son honneur, et de sa reputation. Ces considerations sont telles, que, quand je les remets devant mes yeux, je ne sçay que penser, ny que dire de l’opinion que vous avez conceue