Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/183

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combien il y a que nous en sommes revenus, car ce fut seulement hier que je les en advertis. Et croyez-moy, bergere, que ceux que l’amour possede ne sont pas si paresseux à rendre de semblables services, ou pour mieux dire, ne les mettent pas en oubly, comme j’avois fait, car je vous jure, que, seulement quand je la vy, je m’en ressouvins, et je pense qu’autrement je n’en eusse jamais eu memoire.

Mais ne vous plaist-il pas de considerer que, si en effect je mourois d’amour pour cette fille, comme tesmoignent les discours qu’on vous a faicts de moy, il n’y auroit rien qui me pust empescher de la suivre par tout où elle iroit, car en fin, par quelle consideration pourrois-je estre retenu en cette contrée? puis que, si ce n’estoit l’amour de mes parens, ny les commoditez de mon bien ne m’y peuvent pas arrester, puis que ceux-là me sont incogneus, et que je n’ay rien davantage icy ce que mon industrie me peut donner par tout ailleurs où je voudray me [105/106] tenir. Si donc je ne parts point de cette contrée pour suivre cette Madonte, pourquoy, ma maistresse et vous, ne prenez-vous asseurance du contraire de ce que l’on vous a voulu faire entendre? Mais Phillis, n’est-il pas vray que, devant nostre gageure, vous ne m’avez jamais veu aymer? Je m’asseure que vous l’avouerez, puis que ce fut sur cela que je fus condamné de servir Diane. Que