Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/188

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s. II

S’il est permis quelquefois de pleurer,

C’est quand on peut sa douleur mesurer,

Ou que les pleurs esgallent nostre peine;

Mais quand le mal parvient jusqu’à ce poinct

Qu’il est plus grand que toute plainte humaine,

A quoy les pleurs qui ne soulagent point? III

Que desormais les pleurs soient loing de nous!

De ce malheur trop mortels sont les coups

Pour se guerir d’un si foible remede;

Mais perdons-nous d’un genereux transport

Puis qu’en effect le mal qui nous possede

Ne peut finir, si ce n’est par la mort.

[108/109] Ce triste berger eust bien continué davantage ces plaintes, n’eust esté que Florice, Circene, et Palinice, avec l’Estrangere, leur compagne de fortune, se retirans en leur cabane, parce qu’il estoit l’heure de disner, l’ouyrent d’assez loing. Et quoy que le desplaisir avec lequel il souspiroit ces vers, luy changeast beaucoup la voix, si est-ce que Circene le recognut insontinant. Et parce que l’Estrangere, apres leur avoir dit les nouvelles de ceux qui estoient de leur cognoissance le long des rives de l’Arar, se monstroit curieuse de sçavoir en quoy elles employoient plus doucement la journée, Circene luy dit: Vous demandez, ma compagne, en quoy nous passons le temps? Avez-vous ouy un berger qui a chanté pre