Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/207

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d’inconstance, ou de peu de jugement et l’une ou l’autre de ces reproches est honteuse à une discrette et sage fille. – De sorte, reprit-elle, que quand on me presentera quelqu’un de ces amants, je le puis refuser, en disant que j’en ay desjà un?

Je vous raconte, mon pere, ces petites particularitez pour vous monstrer depuis quel aage et Silvanire et Aglante comencerent de s’aymer; car depuis ce temps-là ils continuerent à cultiver cette plante de telle sorte que celuy qui eust fait dessein de la coupper, eust esté sans doute punissable devant la throsne d’Amour.

Mais lors que Silvanire, avec l’aage, vint à recognoistre la verité des doutes qu’elle avoit faits au berger Aglante, elle aprit qu’un sage fille doit obeyr à ceux à qui elle doit sa naissance, et ne disposer de sa volonté qu’ainsi qu’il leur plaist d’en ordonner. Et parce que cette cognoissance vint jetté de trop profondes racines dans son ame, pour en pouvoir estre arrachées sans de trop grands ressentimens de douleur, elle se resolut, ne pouvant mieux faire, de feindre pour le moins avec prudence d’estre libre en sa captivité. Et quoy que cette dissimulation fust bien difficile, si eust elle un si entier pouvoir sur ses actions, que jamais personne, pour clairvoyant qu’il ait esté, n’y a pu recognoistre chose quelconque.

Aglante mesme a vescu depuis quatre ans en une telle incertitude de sa bonne volonté, qu’il ne peut dire en avoir jamais receu