Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/206

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m’estonne donc, respond cette enfant, pourquoy mon pere ne tient plustost quantité de ces amans à son service, que des valets.

Aglante ne se peut empescher de rire de cette naifveté, et quoy que son aage par raison ne le deust rendre guere plus sçavant en cela que Silvanire, si est-ce que la liberté avec laquelle on parle plus ordinairement de ces choses devant les garçons que devant les filles, luy avoit ouvert l’esprit, et luy en avoit donné beaucoup plus de cognoissance qu’elle n’en avoit pas.

Il luy respondit donc en sousriant: Il y a une grande difference entre les valets et les amants, non seulement en ce que je vous ay dit, mais encore en ce que des volets on en peut tenir tant que l’on veut, mais des amants, il n’en faut jamais avoir qu’un, et de plus, il n’y a que les filles qui en puissent avoir. – De sorte, reprit-elle, que, puisque vous estes mon amant, je n’en dois point [119/120] avoir d’autre? – C’est la verité, adjousta-t’il, que sans me faire tort vous ne le pouvez. – Je n’ay garde, dit-elle avec une innocence incroyable, de vous offencer jamais par ma volonté. Mais s’il advenoit à quelqu’autre de rencontrer un de ces amans qui fust mal-fait, et desagreable ne pourroit-elle jamais avoir que celuy-là? – Ma belle fille, respondit Aglante, il faut que vous sçachiez que les bergeres ne sont pas contraintes de prendre tous les amans qui se presentent à elles. Elles ont la liberté de les choisir, mais quand une fois elles en ont fait l’élection, elles ne peuvent les quitter sans donner quelque preuve, ou