Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

imenté berger, du mal d’Aglante. Et parce que de longue main il estoit amy de son pere, [121/122] apres l’avoir escouté quelque temps sans estre veu, en fin s’approchant de luy, il le reprit grandement de la faute qu’il faisoit, et luy remonstra que ce n’estoit point en ces vaines pensées qu’il devoit employer son aage, mais plustost à soulager les vieilles années de son pere, en prenant le soing de ses trouppeaux et de sa famille, que les dieux le chastieroient, s’il trompoit ainsi les esperances que chacun avoit conceues de luy, et qu’il se souvinst que cet ennemy qui le tenoit en servitude, se surmontoit en fuyant, que l’oisiveté en estoit la mere et la nourrice, que le mespris et la necessité estoient ses compagnons, et que le repentir le talonnoit de si prés qu’à peine entroient-ils dans un cœur l’un sans l’autre.

Mais le jeune berger, abusé d’une passion qui luy sembloit trop aymable: Mon pere, luy respondit-il, j’avoue que si ceux qui ayment un sujet qui ne le merite pas, peuvent estre blasmez et reprimandez, je croy que ceux qui n’ayment point ce qui est aymable, manquent de jugement ou de cognoissance et pur moy je cheris de sorte mon affection que, lors que je la laisseray, je veux bien que la vie me delaisse. Qu’Arion, au lieu de se douloir du peu de service que je luy rends, me pleigne s’il luy laist, et m’aide à supporter mon tourment, ou à me l’alleger, s’il est en son pouvoir et veu l’amitié paternelle que j’ay tousjours recogneue en luy, je veux esperer qu’il le fera, se souvenant qu’il a passé autresfois sans doute