Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/211

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par les mesmes difficultez où je me trouve. Et vous, mon pere, qui me monstrez tant de bonne volonté, je vous conjure de m’y aider de tout vostre pouvoir.

– Aglante, respondit le bon vieillard, il est vray que je vous ayme, et que n’ignorant pas combien il est difficile à un jeune cœlig;ur de se despouiller de la passion que vous ressentez, je desirerois vous en voir deschargé, pour les maux qui vous en peuvent advenir, et que je prevois presque inevitables. Mais puis que cela ne peut estre, croyez-moy au conseil que je vous veux donner: celle que vous recherchez merite-t’elle d’estre vostre femme? Je sçay bien que vostre passsion vous fera dire des merveilles de ses merites, mais laissant pour ce coup le personnage d’amant, si vous pouvez, respondez-moy en homme judicieux, ou bien si vous avez quelquesfois recognu que j’aymasse Arion, et le bien de vostre maison , descouvrez-moy qui elle est afin que sainement j’en puisse juger, et vous donner un conseil qui ne vous sera point inutile.

[122/123] Aglante qui sçavoit combien ce vieil pasteur l’avoit tousjours chery, ne fit point de difficulté de luy nommer Silvanire. Oyant ce nom le bon vieillard luy rspondit: J’avoue, Aglante, que si vous faites une faute en aymant, vous estes pardonnable, et que vostre faute est tres-belle. Je veux encore sçavoir de vous si jamais vous avez donné cognoissance à cette belle fille de l’aymer. – Toute ma vie, respondit-il, je n’ay fait autre chose que la servir, et mon malheur est d’autant