Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Cependant que nous parlions ainsi, ma compagne faisoit semblant de caresser sa brebis retrouvée, et toutes fois je pris bien garde qu’elle nous escoutoit attentivement qui me fit depuis remarquer de plus prés toutes ses actions: et quelques jours apres je vins en cognoissance qu’encore qu’elle ne luy en fist rien paroistre, elle l’aimoit toutesfois, comme veritablement l’y obligeoit l’honneste et vertueuse recherche que ce berger luy faisoit, et j’admiray la sagesse de cette jeune fille, que en un aage si tendre, eust une si absolue puissance sur sa propre volonté.

En ce temps Tirinte revint dans nostre hameau, et c’est ce berger qui vous est presenté comme coulpable, et duquel, sage Cloridamante, toute cette trouppe vous demande justice. Je dis qu’il revint en nostre hameau, parce qu’encore qu’il en soit ori-[127/128]ginaire, si avoit-il esté nourry et eslevé sur les rives Furan, et il y peut avoir quinze ou seize lunes que son pere le rappella, et comme vous sçaurez, assez malheureusement.

Soudain que ce berger fut parmy nous, il n’apperceut pas plustost Silvanire qu’il en devint amoureux, mais tellement passionné, que plusieurs eurent opinion qu’il estoit en danger d’imiter Adraste en la perte qu’il a faite. Silvanire d’autre costé, de qui la resolution estoit d’obeyr à son pere, et qui n’avoit d’inclination que pour aymer Aglante, sans toutesfois en donner aucune cognoissance, s’alloit démeslant des recherches de Tirinte avec le plus de discretion