Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/220

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qu’il luy estoit possible. Et quoy qu’elle vesquit avec une tres-grande indifference, et avec luy, et avec Aglante, et tous les autres bergers qui la recherchoient, desquels le nombre n’estoit pas petit, si est-ce que de jour à autre sa passion alloit augmentant,de sorte qu’elle parvint jusques à ce poinct qu’il se resolut, ne pouvant vivre aux bonnes graces de Silvanire, de ne plus vivre du tout.

Ce berger, ô sage druide, que vous voyez auprés de luy, et qui se nomme Alciron, avoit tousjours grandement aymé Tirinte, fust pur quelque parentage qui est entr’eux, ou, come je croy, plustost pour cette inclination aveugle qui a tant de force à nous faire aymer ou hayr ce qui se presente devant nos yeux. Et parce qu’il voyoit son amy se travailler inutilement à la recherchre de cette belle et sage fille, toutes les fois que l’occasion s’estoit prsentée de l’en divertir, il avoit essayé de le faire par toutes les meilleures raisons qu’il avoit pu inventer. A ce coup, le voyant porté à un tel desespoir, et cognoissant bienqu’il n’y avoit plus d’esperance de guerison pour luy, il se resolut à l’une des plus hardies meschancetez qui puisse estre imaginée.

Tirinte ce jour-là avoit conduit son trouppeau presque sur les sommets de Mont-lune tant pour s’esloigner de le veue de chacun, puis qu’il ne pouvoit obtenir un favorable regard des yeux qu’il desiroit, que pour faire éviter à ses brebis la trop aspre chaleur de l’esté. Peut-estre ce dernier dessein y avoit fait aller aussi Alciron un