Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/42

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s’estoit mis en cet estat, pour mieux se couvrir du manteau de la saincteté. Mais elles, feignants de ne recognoistre point son artifice, proferoient entr’elles assez haut des paroles pleines d’admiration qu’elles faisoient toutesfois semblant de vouloir dire bas; luy, qui les oyoit, se resjouit grandement en son cœur, croyant qu’elles n’eussent point encore recognu sa finesse. Et pour les mieux abuser par ces nouvelles malices, d’autant que le feu ne s’estoit pas comme l’autre fois aussi-tost esteint qu’allumé, mais au contraire, s’estoit espris à quelque bois sec qui estoit arrangé sur l’autel en façon de sacrifices, il feignit de tourner la teste vers elles au bruit qu’elles avoient faict. Et parce qu’elles luy demanderent l’entrée du temple, et de pouvoir parler à luy, il se tourna incontinent vers l’autel, fit semblant de prendre de l’eau lustrale, et s’en laver les yeux et les aureilles prophanées, ainsi qu’il feignoit, pour avoir veu ces nymphes, et ouy leurs paroles pendant son sacrifice. Et r’alumant encore mieux le brasier qui estoit sur l’autel, y mettant d’autre bois, et y jettant de la verveine avec quelques fueilles de guy et de chesne, lors qu’il creut que ce feu avoit pu faire l’effect qu’il desiroit, il releva la voix fort haut, et dit: Si tu le veux, ô grande et redoutable deité, qu’elles entrent dans ton sainct temple, ouvres-en toy-mesmes les portes, et leur y donne l’entrée. A peine eut-il proferé ces paroles que, sans que personne touchast les portes; elles s’ouvrirent d’elles-mesmes,