Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/84

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n’observe inviolablement ce que je promets, ou si je dements quelquesfois envers vous l’honorable nom que j’ay receu, je prie ce mesme Amour Tautates que vous avez reclamé, que non seulement il me fasse hayr par toutes les creatures de la terre, mais s’il est juste, qu’il m’offre à la cruaué de toutes les plus farouches, pour assouvir leurs rages et leurs inhumanitez sur moy.

A ce mot, toutes deux s’embrasserent, et se baiserent, pour assurance de ce qu’elles avoient promis, avec tant d’affection, qu’elles ne pouvoient presque mettre fin à leurs caresses.

Cependant Phillis s’en estoit allée chez Diane, pensant la trouver encores dans le lict, mais le mal de la bergere estoit trop violent, pour luy donner un si long repos. II y avoit desjà long temps qu’elle s’estoit levée, et qu’apres avoir mis ordre à son petit menage, elle estoit sortie avec son troupeau, et sans autre compagnie que celle de ses pensées. De fortune, elle s’en alla sur le mesme endroit du rivage de Lignon, où l’accident de Celadon estoit advenu, lors que la jalousie de la bergere Astrée le contraignit de se jetter dans le profond de l’eau. Apres s’y estre donc assise, et que sans dire mot elle eut longuement tenu œil sur le courant de la riviere, sans faire autre action qui donnast cognoissance de vie, que celle de respirer, en fin, revenant comme d’une profonde lethargie, et jettant un grand souspir: Ainsi, dit-elle, vont courant dans le sein de l’oubly toutes les choses mortelles!