Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quelle tu devins par sa recherche, et quelle tu vesquis apres sa déplorable perte! Considere ton humeur, quand Silvandre, ou plutost quand ce trompeur commença si malheureusement à te regarder, quelle tu t’es rendue par sa dissimulée affection, et quelle tu te treuves maintenant par la cognoissance de sa trahison! Et advoue par force que si les autres, comme on dit, changent d’humeur et de complexion de sept en sept ans, les années en toy sont changées, non seulement en des mois, mais en des heures, voire mesme en des moments.

Ce fut bien cette pensée qui la toucha vivement, car n’ayant jamais eu cette opinion, et cognoissant toutesfois qu’elle estoit tres-veritable, elle demeura ravie de tant d’estonnement, qu’elle ne put de long-temps proferer une seule parole. En fin, comme sortant d’un profond sommeil, elle reprit de cette sorte: Que tu n’es pas changée! disoit-elle, comme par admiration. Ah! Diane, tu l’es de telle sorte, que presque, quand je te considere de prés, je ne te recognois plus, ne trouvant rien en toy de cette premiere Diane, que tu soulois estre, que le seul nom de Diane. Et responds-moy, je te supplie, ne te souviens-tu plus, combien autrefois tu avois eu en horreur les flateries des hommes, combien tu mesprisois celles qui s’en laissaient decevoir, ou qui seulement adjoutoient quelque foy à leurs paroles? As-tu perdu la memoire des sages conseils que sur de semblables accidens tu donnois à tes compagnes? ou bien as-tu opinion que ton