Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/1010

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qu’ils donnent à boire à celuy qui veut mourir, si toutesfois le conseil des six cens juge que les raisons soient bonnes pour lesquelles il desire la mort.

Je vous donne cet advis, seigneur, afin que si le desastre vous poursuit justement, vous puissiez injustement sortir de sa tyrannie, par l’advis de tant de personnes estimées sages et prudentes. Et quant à moy, afin que vous ne pensiez pas, que je vous donne,un conseil que je ne vueille prendre, je suis resolu de partir, dans peu de jours pour les aller trouver, afin de clorre heureusement ma vieillesse, y estant toutesfois poussé par une contraire opinion à la vostre, car ayant vescu un si long aage que quatre vingts et dix neuf ans avec toute sorte de felicité selon ma condition, à sçavoir riche des biens de fortune autant qu’autre de mon estat, heureux en enfans, bien aymé de tous les voisins, estimé de chacun, je ne suis pas resolu d’attendre la centiesme année, pour donner loisir au desastre de me faire mourir malheureux, ayant appris que si Priam fust mort quelque temps avant la perte de sa ville, il eust esté le plus grand prince de l’Asie. Ce bon vieillard me tint ces paroles, qui ne firent pas un petit effect en moy, car aussi tost m’approchant d’Olimbre, je luy en fis le recit, et presque en mesme temps nous resolumes tous