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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/108

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honneur de ce Thamire que vous aymez, voire pourquoy reffuserez-vous d’aymer ce cher Thamire, sous le nom de Calidon, puis que Calidon n’est qu’un autre moy-mesme ? Et pour son corps il n’est different que de figure ; car nous sommes si proches, que d’ailleurs on nous peut tenir pour mesme chose. Pour son ame, je l’ayme de sorte que nostre amitié monstre bien nostre simpathie, et puis qu’entre les amis toutes choses sont communes, l’aymant comme je fais, je n’ay rien à quoy il n’ayt part, aussi bien que moy ; de sorte que si j’ay vostre affection comme vous dites, ne faut-il pas de necessité qu’il y participe ? Et ne faut point qu’en cela vous vous plaignez, disant que je vous manque de foy, en vous changeant pour une autre, car mon dessein n’est point d’aymer jamais autre que vous ; vous estes le commencement, et serez la fin de mon affection.

Mais puis que le destin me deffend de vous posseder, ayant esté contraint de vous donner à un autre, par les loix du devoir et de la nature, pensez, ma belle fille, quel contentement ce me sera de vous voir à celuy que j’ay eslevé, que j’ay instruict, que j’ayme, et que j’ay choisi non pas seulement pour successeur, mais pour compagnon en tous les biens que le Ciel et la fortune m’ont donnez, et me donneront à l’advenir.