Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/116

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d’amour, je le suis, pource que c’est chose monstrueuse, qu’un amant puisse si longuement conserver son affection parmy tant de rigeurs et d’occasions de hayne ; car je puis dire que jamais une seule de vos actions n’a deu avoir autre nom pour mon regard que celuy de rigueur et la hayne, si ce n’est en apparence, lors que durant ma maladie vous me vintes voir, afin de conserver ma vie, mais avec un cruel dessein de me faire une autre fois mourir plus cruellement.

Alors la bergere continua de ceste sorte : Vous oyez, grande et sage nymphe, par la bouche mesme de Calidon, que s’il m’a aymée, je n’y ay contribué du mien, sinon d’estre telle que je suis, et contre cela, quel remede pouvois-je inventer ? Mais que respondra-t’il, si maintenant devant le throsne de la raison, je luy dis : Puis, berger, que je ne consenty jamais à tes recherches, pourquoy veux-tu que je participe à la peine et à la honte de l’erreur que tu as faite ? Celle que sans vengeance j’ay soufferte jusques icy de tes importunitez ne te doit-elle suffire ? Tu m’as aymée, dis-tu, et pour cette amour je t’en dois rendre une autre ? Mais escoute ce que la raison te dit : tu as aymé Celidée, et en l’aimant tu l’as offencé, et quelle autre recompense te doit-elle que la haine ? Et il est vray, berger, que ne voulant prendre de toy la vengeance qui eust esté raisonnable, je