Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/115

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tous les bergers y estoient. – Et comment, repliqua la bergere, ne fis-je une seule action particuliere pour t’attirer, ny pour acquerir ton affection ? – Tant s’en faut, respondit Calidon. Et en cela vous devez recognoistre que cette amour est ordonné du Ciel, et presque destinée entre nous, vous ne tournastes pas mesmes les yeux vers moy, et toutesfois aussi tost que je vous vy, je vous aymay, comme force par une puissance interieure, à laquelle il m’estoit impossible de resister. – Mais peut-estre, adjousta la bergere, lors que je recogneus d’estre aymée, je conservay cette bonne volonté avec artifice, et l’allay augmentant avec des faveurs ? – Il ne me faut point, interrompit incontinent le berger, que vous vous donniez ceste gloire. Mon affection est née, sans que vous y ayez rien rapporté, elle a continué sans vous, et s’est augmentée sans vous, j’entends sans que vous y ayez rien d’avantage contribué, sinon d’estre vous mesmes. Au contraire, dès la premiere fois que vous la recogneutes, (car sans vous l’avoir decouvert avec mes paroles, j’ay bien sceu que vous y pristes garde) quel mauvais visage ne receus-je point de vous ? et depuis quelle cognoissance de mauvaise volonté ne m’avez-vous point donnée ? De sorte que si veritablement, comme vous dites, je suis monstre