Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/118

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de moy, en suis-je punissable ? t’en ay-je prié ? t’en ay-je donné les occasions ? Tu dis que non. Ceste amour m’a-t’elle rapporté quelque advantage ? En suis-je devenue plus belle, plus vertueuse, ou meilleure ? S’il ne m’en est revenue que la peine, ô dieux ! et où est ton jugement, Calidon, et de me demander recompense au lieu de chastiment ? ou plustost quelle effronterie est la tienne, d’avoir la hardiesse devant ceste grande nymphe, de requerir des graces et des loyers de moy, au lieu de demander pardon et te repentir de tes fautes ? Je voy bien que tu me veux dire que je ne te devois maintenir en erreur, si je tenois pour telle l’amour que tu m’as portée, ny te donner des paroles, pour te retenir en vie, lors que ton mal estoit prest à vanger l’offence que tu m’avois faite. Mais, Calidon, n’auray-je pas subject de t’appeller ingrat, et mesconnoissant du bien que je t’ay faict, puis qu’outre la plainte et le reproche que tu m’en faicts, tu le prends encores tout autrement que tu ne dois ? Où fut jamais le coulpable qui trouvast son juge trop doux ? où fut jamais l’offenseur qui se plaignist, qu’au lieu de vengeance il ait receu des bien-faicts et de courtoisies ? Quoy donc ? parce que je n’ay pas voulu ta mort, je suis coulpable de ta vie ! parce qu’au lieu de me venger de toy, j’en ay eu pitié, et t’ay faict des faveurs, tu m’accuses, et