Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/124

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maintenant il me reste un plus dangereux ennemy à combattre, et qui m’oppose bien des armes plus fortes, et m’offense avec des coups plus cuisans. C’est de cest ingrat Thamire dont je parle, ce Thamire qui veritablement a esté aimé de moy, et de qui j’ay creu d’estre aimée autant que personne le sçauroit estre. Mais helas ! que me demande-t’il maintenant ? peut-il croire en vie celle qu’il a remise entre les mains du plus cruel enemy qu’elle eust ? Peut-il esperer encore quelque amitié de celle qu’il a si indignement outragée ? Par quelle raison me peut-il demander que je l’ayme ? Est-ce parce qu’il m’a aymée, ou que je l’ay aymé ? Cela, madame, estoit bon en ce temps là ; mais maintenant que de sa volonté il a cessé de m’aimer, et par force il m’a contrainte de ne l’aimer plus, pourquoy me vient-il representer le temps passé, qui n’est plus, et qui ne peut revenir ? temps de qui la memoire m’oblige plus à la hayne envers luy, que non pas au desir qu’il fust encore, puis que je recognois maintenant qu’il le meritoit si peu.

Je l’avoue, je l’ay aymé ; mais, tout ainsi que me donnant à un autre, il m’a monstré par effet qu’il ne m’aimoit plus, qu’il ne trouve pas estrange, puis que mon amitié procedoit de la sienne, que je n’en aye plus pour luy. Pourquoy a-t’il coupé