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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/123

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nature me le defend, qui dés l’heure que je te vis, me mit dans le cœur une si grande contrarieté, et haine secrette, que je ne me peus empescher de desapprouver tout ce que je voyois qui te contentoit. Sois certain, Calidon, que ce n’est point pour te mespriser, ce que j’en dis, mais seulement pour la verité. Je choisiray tousjours plustost de reposer dans le tombeau, que de vivre avec toy, non pas que je recognoisse bien que tu merites une meilleure fortune ; mais parce que je ne croy pas que la mienne soit en ton amitié, et que la nature me retire de toy avec tant de violences sans quelque cause. Or si cela est, comme je ne te l’ay jamais caché, pour quel subject me peux-tu pretendre tienne, puis que la nature me le defend, et la raison aussi, qui n’est jamais contraire à la nature ? Vy en repos, Calidon, et si tu ne m’aymes point, ne vueille par ton opinastreté, rendre deux personnes mal-heureuses, car en fin tu ne le serois guere moins que moy. Et si tu m’aimes, contente-toy de la peine que tu me donnes par ton amitié, sans vouloir me surcharger d’une autre insupportable, en me contraignant de t’aymer. Et sois certain, que Lignon peut retourner à sa source beaucoup plus aysément que tu ne parviendras à l’amitié de Celidée.

Or, madame, voilà le response qu je puis faire aux mauvaises raisons de Calidon. Mais