Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de ton ame, le Ciel puniroit, et ne faut que tu esperes, puis que j’ay esté offerte pour le salut de Calidon, que je vueille jamais rabaisser aux hommes. Et, à la vérité, ayant esté si mal traitée de celuy que j’estimois plus que tous les hommes, ce seroit une grande imprudence de me remettre entre les mains de celuy qui m’a sceu si mal conduire. Quoy ? Thamire, me voudroit-tu encore r’avoir, afin de sauver la vie une autre fois à quelqu’un de tes parens ou amis ? ne me recherches-tu maintenant que pour me conserver tienne jusques à ce que Calidon retombe malade ? Contente-toy que la disposition que tu fis une fois de moy reduisit ma vie à tel terme, que si tu desires me r’avoir pour le salut de ceux que tu cheris plus que moy, tu dois estre asseuré que je desire avec plus de raison me conserver à moy-mesme, pour me maintenir la vie que j’ayme beaucoup plus que celle d’un autre à qui tu me veux donner. Mais ne sois pas glorieux de m’avoir reduitte à l’extremité dont je parle ; car si j’ay pleuré ton despart, je me ris, Thamire, de ton retour. Voilà, dis-je en moy-mesme, celuy qui a faict si peu de conte de mon amitié qu’il a plus aimé le contentement d’autruy que ma vie propre. Le voilà, ce liberal du bien d’autruy, qui regrette, les larmes aux yeux, la prodigalité qu’il en a faite. O dieux ! combien estes-vous justes, puis que