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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/130

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que mon pere a eue en toy, par l’amitié que tu m’as portée, et par l’espoir que tu as eu de m’obliger à toy. Et tu m’offences davantage de la vouloir retirer apres me l’avoir donnée, que si tu me l’eusses refusée dés la premiere fois. C’est, ce me semble, grande nymphe, tout ce que ce berger a voulu dire, avec une si grande abondance de paroles, et contre la raison, et contre luy-mesme et contre moy.

Ingrat berger, tu te veux prevaloir à mon desadvantage de ma bonté, et de la pitié que j’ay eue de toy ! Tu dis que je t’ay donné Celidée, et pourquoy te l’ay-je donnée ? estoit-ce point que je m’ennuyasse d’elle, ou seulement pour favoriser ton plaisir ? Nullement, dis-tu, mais pour te sauver la vie ; tu m’es donc obligé de la vie, et n’es-tu pas bien ingrat de la vouloir oster à celuy qui te l’a conservée ? Que si je te l’ay donnée pour te maintenir en vie, quel tort te fais-je de te la demander maintenant que je vois ta vie asseurée ! Mais, diras-tu, si je suis guery, ç’a esté pour l’esperance que j’ay eue, que Celidée me demeureroit : Et qu’importe comme tu sois revenue en santé, pourveu pue tu ne sois plus en danger ? La courtoisie et la discretion nous enseignent que, quand nous nous sommes servis en nostre necessité de ce qui est à nos amis, nous le leur rendions avec der remerciemens. Tu es bien loin de ceste courtoisie et de ceste discretion, puis que t’ayant donné l’esperance des