Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/132

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de l’amitié que son pere m’a portée, et pour la recommendation qu’il m’a faicte de luy ? Puis qu’il n’y a point de doute, que si cela m’a peu obliger en son endroict à quelque devoir, ceste mesme consideration le rend encore plus mon redevable ; et par ainsi, si l’amitié que j’ay portée à Calydon m’a obligé d’avoir soin de sa vie, peut-il croire que pour ne m’estre mescognoissant, il ne soit obligé d’en avoir encore d’avantage de la mienne ? Que si, comme il advoue, je la luy ay remise, pour l’obliger à me rendre de semblables offices, soit en ma necessité, soit quand je les luy demanderay, pourquoy ne le faict-il à ceste heure que je l’en requires, et qu’il sçait bien (l’ingrat qu’il est) que je ne puis vivre s’il me les refuse ? n’est-il pas de mauvaise foy, s’il me les nie ? n’est-il pas ingrat, s’il ne me les rend ? et n’est-il pas indigne de se dire fils de celuy qui m’a tant aimé, puis qu’il croit que ceste amitié m’a obligé à me priver de la chose du monde que j’ay eue la plus chere ? Et ne merite-t’il pas que je le desadvoue pour parent, puis qu’il a si peu de ressentiment de ma mort qu’il voit toute certaine ? voire ne le dois-je pas nier mon amy, puis qu’en mon extresme necessité je ne reçois pas les offices que je luy ay rendus ? et bref, be le dois-je pas tenir pour le plus cruel enemy que je puisse avoir, puis qu’il pourchasse contre raison, et avec tant de violence, de me donner la mort ?